vendredi 8 février 2013

33. Les rires de la danseuse.

-->
Malgré le laps de temps écoulé, Bleue ne se remettait pas de sa surprise.
Ainsi donc, le fameux professeur des jumeaux, qui les avaient entrainés durant trois ans au fond de la forêt bordant Faier-Hayrdhann, n'était autre que le très fameux Villi Tylmaridior ?! Le Médecin Impérial ? Quelle surprenante découverte, pour elle.
Les jeunes gens s'étaient couchés depuis quelques minutes, ne trouvant pas d’autres solutions envisageables, mais régnait désormais dans la chambre un calme à peine troublé par la lente respiration des garçons endormis. Seule Bleue était encore éveillée, tourmentée par ses pensées et réflexions sur Villi Tylmaridior, et le lien qu’il ait pu avoir avec les jumeaux. Comment l’avaient-ils connu ? Comment Elyo et Willan avaient t'ils rencontrés cet homme si célèbre et si respecté?
Bleue reposa sa tête sur le matelas, prêtant attention aux bruits doux de la chambre. La respiration calme et fragile de Fline, et celle discrètes des jumeaux. Willan avait tourné sa tête vers le feu, faisant ainsi face à Bleue. Elle observait ses traits fins depuis quelques minutes, toujours perdue dans ses pensées. Elle voulait que Fline retrouve la voix. Peut-être Tylmaridior pourrait-il faire quelque chose pour eux. Elle ferma les yeux. ... Peut être Tylmaridior pourrait faire quelque chose…
Elle l'espérait, mais au fond d'elle même, une petite voix lui disait de renoncer.

(…)

Le matin vint, éclairé par un merveilleux soleil. Cela faisait déjà une semaine qu'ils étaient à Reiche Stadt, et aucune trace de Tylmaridior, en dépit de leurs recherches acharnées.
Elyo était en ce moment même dans le centre ville, seul.
Les autres étaient partis s'occuper de trouver à manger pour le midi, car l'aubergiste avait demandé à ce qu'ils quittent les lieux depuis qu'un mystérieux oiseau venait ici chaque soir pour s'amuser à effrayer les clients, et les soupçonnant d’être les responsables, les avaient espionnés. Et avait ainsi manqué de faire une crise cardiaque en voyant l’un des garçons se transformer en rapace. Fline avait beaucoup ri, et ne s'était calmé qu'un quart d'heure plus tard.

Les mains dans les poches, habillé d'une chemise blanche, d'un pantalon de cuir noir, et ses longs cheveux ébouriffés, nattés, sifflotant, Elyo avançait dans les rues, sans but particulier. Il déambulait tranquillement, non sans un certain entrain. Nonobstant, cela faisait plusieurs minutes qu’il remarquait que certaines filles le suivaient discrètement, comme des petits poissons friands. . Certaines l'interpellaient, et c'était avec amusement qu'il répondait par un salut courtois. Il s’amusait, découvrant avec une agréable surprise l’intérêt de crâner auprès des demoiselles. Cela lui donnait l’impression d’être bien différent du garçon craint et insulté de Faier-Hayrdhann.
Elyo vit soudain une jeune fille d'une quinzaine d'année, ses longs cheveux noirs volants autour d'elle, arriver près de lui en courant. Il se stoppa avec un sourire. Elle se figea, lorsque arrivée à sa hauteur, et bien que rougissante, le salua avec chaleur.
  • Bonjour monsieur. J’aimerais pouvoir aller me vanter auprès des autres de connaitre votre prénom, m’en feriez-vous l’honneur ?
Elyo étouffa un rire, franchement amusé.
  • Il est de convenance, ici, de dire « monsieur » à un garçon de quinze ans ?
  • C’est toujours plus poli pour accueillir un beau garçon !
  • Haha ! Moi c’est Elyo.
  • Ravie de vous rencontrer, alors, M. Elyo. Vous êtes étranger, n’est-ce pas ?
  • Je viens de loin, en effet, ricana Elyo en étudiant les mouvements de la jupe bariolée de la jeune fille.
Cette dernière se planta devant lui, un sourire simple étirant ses lèvres, dans une figure douce, et croisant ses mains derrière son dos, le dévisagea.
  • Moi, c’est Gwendydd.
  • Ravi de te rencontrer Gwendydd.
  • Vous accepteriez que je vous fasse visiter la ville ?
  • Oh ! Avec plaisir, s’exclama Elyo, en arborant un sourire angélique.

La compagnie de Gwendydd était agréable, très féminine. Différente de celle de Bleue en tout cas. Bleue avait une aura féroce, meurtrière. Elyo l'avait sentie. Mais Gwendydd était innocente, joyeuse. Ils traversèrent la ville, Gwendydd riant de tout, lui expliquant ce qu'il voulait savoir. Mais surtout, elle n'était pas bavarde comme une pie, contrairement a ce que pensais Elyo. Elle riait beaucoup, mais ne parlait que par intérêt. Quand il voulait une explication sur telle ou telle chose, elle se faisait un plaisir de lui raconter.
Elyo savourait cette journée, cette liberté de marcher dans une ville remplie et vivante, ou personne ne se stoppait dès qu'on l’apercevait, ou l'insultait, ou s'enfuyait. Gwendydd se stoppa soudain, et Elyo, qui flânait le nez en l'air, failli lui rentrer dedans. Il leva la tête, et comprit la soudaine paralysie de Gwendydd. Devant eux, des hommes habillés de noir les fixaient, plantés en plein milieu de la ruelle qu'ils traversaient. Elyo sentit son cœur se serrer dans un étau de fer impressionnant, croyant pendant une seconde reconnaître ces hommes. Ce n'étaient pas eux, mais le souvenir s'imposa dans son esprit avec la férocité d'un Kalionss.
Les hommes entraient dans la chambre, armés, et Karly s'avançait.
Gwendydd recula doucement. Les hommes se retournèrent, comme au ralenti. Elyo ne respirait plus. Une aura de meurtre les entourait, comme si la noirceur de leurs habits les en imprégnait. Un homme s'approcha d'un pas. Et il souleva sa capuche sombre dévoilant son visage.
  • Gwen … Je suis heureux de te revoir... très heureux...
Elyo ne bougeait plus. Gwendydd s'était mise à trembler.
L'homme approcha sa main de la jeune fille, un poignard installé entre ses longs doigts.
  • Dis-moi, tu te rappelle la promesse que tu m'as faite ? Tu sais, les deux milles hens, pour soigner je ne sais qui ? Tu te rappelle ? Oh, ne fais pas cette tête, je sais que tu ne les a pas... par contre, tu es venue, c'est heureux, tu pourras payer ta dette, comme ça.
Un homme se mit à rire.
  • Oui, je vais te garder un peu pour moi, tu mérite bien deux milles hens, non? Combien te vends ta chère maman ? Un peu moins que ça, non ? Pas grave, en tout cas, ce soir, je te réserve une nuit spéciale …
Gwendydd était tombé par terre, l'homme se rapprochait toujours plus d'elle. Le cerveau d'Elyo se remit à fonctionner. A toute vitesse. Il la contourna, se plaçant face à elle, le regard résolu.
  • C'est très simple. Le premier qui s'approche d'elle se reçoit mon poing dans la figure.
  • Non, vraiment ? Rit un homme en s'avançant, particulièrement grand.
Elyo posa sur lui un regard dénué de frayeur, frimant ouvertement en refusant de se laisser impressionner par la musculature évidente de son adversaire. Il serra les poings, se jurant de ne laisser aucun de ses hommes toucher Gwendydd. Il y avait eu trop peu d'occasions durant lesquelles il avait pu agir : et aujourd'hui, il refusait de s'enfuir. Mais si ça risquait de faire certainement très mal.
L'homme, sans attendre, lui balança un coup de poing. Un crochet droit qui atteint Elyo, le percutant violemment à la mâchoire. Explosant de rire, les autres hommes se mirent à rire, tandis que Gwendydd reculait, allant se placer près d'un mur. Elyo tituba, puis furibond, s'équilibra, pour courir droit sur son adversaire. Ce dernier, surpris par la violence d'un coup de pied qui lui explosa deux côtes, alla rouler dans la poussière, aux pieds de ses partenaires. Ces derniers posèrent sur Elyo un regard horrifié, cherchant alors à évaluer sa force. Elyo sourit.
« Facile de s'en prendre à des plus faibles que soi, hein ? »
Malgré son sourire, Elyo ne se ménageait pas. Son esprit, semblable à l'eau, était calme et lisse. Mais prêt à infiltrer chaque faille que présenteraient ses adversaires. Cette aptitude mentale, que son professeur, Villi Tylmaridior lui avait enseigné quelques années auparavant, se nommait Zanshin.
Il refusait d'avoir peur, il refusait de craindre le nombre de ses adversaires, il refusait de se prendre pour un héros. À ses yeux, ne comptait que la victoire. Voyant que les hommes en face de lui hésitaient, il fonça sur eux, en criant. Épouvantés, les hommes réagirent à la manière de passereaux effrayés. Certains de leur intimidation, ils s'étaient reposés sur l'avantage du chiffre. Mais maintenant que le plus fort d'entre eux était à terre, la peur s'était emparée de leur raisons. Deux d'entre eux sortirent leurs lames, cherchant à découper un membre du jeune métis, mais ce dernier, armé d'une volonté le rendant non maitrisable, s'occupa de les rendre K.O en deux coups de poings dévastateurs, massacrant leur sternum. Un homme l'attrapa par les épaules, pour l'immobiliser, et Elyo, à la manière des exercices imposés par Tylmaridior, dans lesquels il s'était souvent vu bêtement piégés par derrière, se jeta au sol, semblant glisser entre les mains de cet homme. Il roula en arrière, se plaçant entre les jambes écartées de l'homme, lui envoya le revers du pied dans les parties génitales. Hurlant, ce dernier se mit à sautiller sur place. Elyo, se releva, aussi excité qu'une puce, esquivant les quelques coups fébriles d'attaquants trop peu sûrs d'eux. L'homme qui avait apostrophé Gwendydd jaillit soudain à sa gauche, et fit quelque chose qui déstabilisa totalement Elyo : il le mordit au bras. La douleur monta comme un éclair dans Elyo qui essaya en un premier temps de la faire lâcher, pour cesser la douleur

32. Spirtyan in the place !



Voilà.
Cela faisait sept semaines, deux jours et des poussières. Mais... voilà. C'était terminé.
Tulio et les membres de sa famille les avaient salués une dernière fois, avant de disparaître.
Voilà.
Les portes de la frontière étaient passées, ils étaient à Reiche Stadt.
  • Waaaaaaaouh! Murmura Willan.
Les autres ne trouvèrent rien à redire. Tout autour d'eux, dans une ville en mouvement, les merveilles visuelles s'étalaient : les architectures luxueuses ou modestes, mais toutes empreintes d'une beauté unique, des statues grimaçantes sur le toit des vielles bâtisses, ou les beautés gracieuses figées dans la pierres, les étendues de lumières et les tapis ténébreux, les bousculades sur les trottoirs et les silences calmes dans les maisons, les cris de joies d'enfants et les chants des oiseaux dans les gouttières d'argent... Argent...
Ce mot était présent partout : les portes de fer sculptées minutieusement, les fontaines de fer fondu, les hauts lampadaires noirs aux arabesques métalliques, les façades des bâtiments importants, les toits miroitants au soleil, les arbres aux feuillages d'acier, dont les lourdes feuilles se balançaient paresseusement dans le vent...
Reiche Stadt, la ville argentée.

Reiche Stadt était bâtie sur un plan architectural singulier : comme un arbre dont les branches se tendent vers le soleil, Reiche Stadt se levait, majestueuse, vers le ciel.
Neufs niveaux. Sur neufs niveaux, la ville s'étalait, en cercles, se dilatant au fur et a mesure, dans une idée de spirale hexagonale. Les remparts qui protégeaient les différents niveaux étaient larges, et hauts, et une chute mortelle ne pouvait être accidentelle. Des six premiers niveaux, la vie et la joie se faisaient sentir, mais, sur les derniers étages blancs et argentés de la ville, le silence était planant, mais apparemment naturel...
Effroyable vision que celle qui s'offrait a quiconque levait la tête: parmi les nuages, auréolant la ville et surplombant de sa puissance le montagne royale, perché sur le plus haut des étages, et semblable a une créature fabuleuse se dorant au soleil, Roc dominait.
Roc.
Le gigantesque château blanc, demeure royale.
Inaccessible pour quiconque n'appartenant pas a l'élite.
Elyo le fixait, sans pouvoir en détacher son regard. Même du premier niveau, il était inévitable. Et incroyablement beau.
Il fut secoué par la main de Fline. Combien de temps avait il fixé Roc? Elyo ne le savait pas et ce brusque revirement à terre le laissa pantois.
  • Oui?
Bleue le fixa. Elle ramena une mèche marine derrière son oreille et lui sourit distraitement.
  • Comment fais-t-on, maintenant?
Elyo ne comprit pas tout de suite. Puis, il sourit.
  • Notre but, ici, déclara t'il au petit groupe, est de trouver le maximum de renseignements sur l'Heimer. Et aussi... nous devons retrouver Karly. Il est une source d'information à ne pas renier.
Bleue le fixa. Elle observa un moment son air déterminé.
  • Trouvons d'abord un endroit ou dormir, ce soir, nous réfléchirons mieux avec un repas dans le ventre.
Le soleil se couchait en effet, et dans quelque heure, la nuit tomberait. Autour d'eux, toutefois, les gens continuaient leurs occupations, sans se soucier d'eux, ou de l'heure.
Willan chercha des yeux une auberge, et soudain, il tendit le doigt dans la même direction qu'Elyo, et déclara en même temps : « Là! »
Synchronisation parfaite...
En échange de cinq sous, les quatre jeunes gens purent passer la nuit dans cette auberge, où personne ne leur posa de question par rapport à leur âge. Ils demandèrent à ce qu'on leur apporte leur repas dans la chambre qu'ils partageraient à cinq. Vers dix huit heures, après une douche soulageante, ils se réunirent dans la confortable chambre. Chacun s'assit sur son lit, attendant la phrase qui viendrait rompre le silence.
Ce fut Bleue qui se décida.
  • Par ou commencerons nous ?
Le feu dansait dans la petite cheminée. Elyo ouvrit doucement la bouche.
  • Commençons....
  • ...par le commencement. Acheva Willan.
Ils ne se regardaient pas. Comme de nombreuses fois, leur cerveaux étaient en parfaite harmonie. Cette synchronisation déstabilisante devenait de plus en plus forte. Plus les jours passaient, et plus l'union de leur esprit se perfectionnait.
Le feu miroitait des reflets mordorés sur leurs visages soucieux. Elyo répéta.
  • Commençons par le commencement. Récapitulons.
Il ouvrit les bras, et inspira.
  • Nous avions dix ans. Le jour d'une fête de la ville. Des hommes en blancs sont arrivés à Faier-Hayrdhann. Et Karly est entré dans la chambre, ainsi que des hommes. Durant cette journée, nous avons découverts que nous possédions des dons enfouis. Des dons difficilement manipulables... Presque abstraits. Ensuite, -il marqua une pause-, Karly a disparu en nous ordonnant de travailler pendant trois ans, de chercher quelque chose... Puis, il a dit qu'on devait trouver l'essence même de l'Heimer. Ces trois passés, nous vous avons rencontré. Pendant sept mois, nous avons voyagé dans le but de nous rendre à Reiche Stadt. Et maintenant. Maintenant que nous somme ici, que nous avons quatorze ans, que faisons-nous ?
Ces derniers mots étaient tombés dans l'esprit de tous, tranchants comme des épées. Personne ne pouvait répondre.
Sauf Elyo.
  • Cherchons-le.
Il avait redressé son visage sombre, ou les flammes se reflétaient. Avec un sourire.
  • Cherchons notre professeur.
Willan s'interdit de le chercher du regard. Il fixa ses yeux émeraude sur les flammes crépitant. Elles réchauffaient doucement son visage.
  • Oui. Allons le trouver.
Bleue rompit doucement le silence qui de nouveau s'était installé.
  • Où est-il ? Qui est-il ? Ce sont deux questions importantes dont je n'ai pas la réponse.
Fline tourna ses yeux de cristal vers les deux jumeaux, qui murés dans un silence impénétrable, ne bronchaient plus.
  • C'est … quelqu’un a partir du moment où il nous a donné son nom, à considéré qu’il n’était pas nécessaire d’en rajouter plus.
  • Pourquoi donc ?
Willan soutint un instant le suspens, mais pas par plaisir. Il frissonna au souvenir de leur rencontre avec cet homme. L'impression qu'il leur avait faite avait été tout sauf... normale.
Son regard revint rapidement vers Elyo. Comme lui, les yeux verts étaient fixés sur l'autre.
  • Je pense qu'il devait savoir que nous n'en aurions pas besoin.
Bleue sursauta. Elle fixa son regard brulant sur Elyo.
  • Et pourquoi cela ? Il se croit aussi unique pour qu'avec un seul nom on puisse le retrouver ?
A sa grande surprise, Elyo et Willan eurent le même sourire. Un sourire que l'on a lorsqu'on sait une chose. Une chose que les autres ignorent.
  • En fait, je crois qu'il ne s'attend pas a se qu'on vienne le retrouver...
Elyo tourna son visage vers elle.
  • Notre cher professeur... a pour nom Villi Tylmaridior.

31. Petite discussion entre hommes importants.


(…)
« 
  • Alors?
  • Oh, comme d'habitude... Elle m'a demandé de faire un rapport détaillé, clair, et de lui présenter les nouvelles recrues.
  • Rien de nouveau, alors.
  • ... Tu m'as manqué, Villi.
Tylmaridor sourit.
  • Et toi, du nouveau, Telios?
L'homme se passa la main dans les cheveux et se les ébouriffa en soupirant.
  • Non. Rien du tout. Comme d'habitude, les Lumanors nous refusent l'accès souterrain à la partie Est de leur continent... mais en même temps je les comprends. A quoi ça nous servirait, plus de territoire?
Villi s'appuya contre le mur.
  • Hmmh. Non mais écoutez-moi le chef militaire.
  • Pardon, le chef militaire « feignant », et là, tout de suite, ça devient très diffèrent.
  • Evidemment.
Téliosen plissa ses yeux noirs sur le visage carré de Villi.
  • Tu as l'air fatigué...
Villi rit, il ne voulait pas l'importuner avec ses propres soucis.
  • Non, t’inquiète... Parle-moi un peu de tes nouvelles recrues.
  • Oooooh, des pioupious. Des gamins des campagnes qui par malheur maîtrisent la télépathie. Mais en fait, si on fait quelques petites recherches, on s'aperçoit rapidement que c'est héréditaire, et pas très puissants.
  • Des déserteurs qui fondent des familles?
  • Oui, et leurs enfants récoltent de leur pouvoir en beaucoup moins puissant, pour s'engager dans l'armée, et dans quelques années, pour suivre l'exemple de leur père et s'enfuirent en campagne, parce qu’ils découvriront que l’Armée n’est pas un truc où les superhéros sont tous des mecs lotis vingt quatre heures sur vingt quatre, et qu’on envoie en premier sur les lignes pour sauver la population innocente. Ouais. Ça casse un peu l’image onirique. Les superhéros ont des superpouvoirs qui ne servent à rien d’autre à part exploser la tête du premier qui montre un croc contre l’Empire. Et les pioupious avec les pouvoirs télépathiques sont les premières victimes, bien malheureusement.
  • Mouais... Telios, toi, tu... tu es un peu différent, non?
Telios fronça les sourcils.
  • Ouais... Moi, j'ai des pouvoirs plus puissants... On est obligé d'en parler?
  • Tu m'as promis, il y a trois ans, avant ton départ, que tu m’expliquerais.
Telios grogna, et se remit à marcher dans le couloir vide. Villi le suivit. Telios enfonça ses mains dans les poches et marmonna.
  • Je ne suis pas né dans ce monde, pas dans l'Empire, comme tu le sais déjà... je suis né sur la Terre. A une époque ou les hommes avaient toutes sortes de divinités. Le dieu du Soleil, de la Lune, de la chasse...
Et a une époque où une religion s'imposait de plus en plus. Une religion à un seul dieu, un dieu qui était symbolisé par trois parties. Le Père, le Fils, et le Saint Esprit. Cela s'appelait le christianisme.
Mais ce n'était pas encore suffisamment important pour balayer la vague du polythéisme. Et pour convertir le peuple le plus puissant de cette époque : les Romains.
A l'époque où je suis né, un empereur romain tentait d'envahir la Gaule. Tu vois ce que c'est?
  • La France actuelle?
  • Oui... »

30. Traversée du lac en caravanes, prédictions de gitane.

-->
Cette rescousse qui s'était terminée en horreur avait jeté un grand froid sur le petit groupe. Bleue marchait à l'avant, Fline sur son épaule droite, et les deux Spyrtian marchaient à l'arrière.
Elyo jurait mentalement. Il ne comprenait toujours pas le geste de ce stupide vieillard. La main douce de Willan se posa sur sa joue, et il se calma.
  • N'en parlons plus, d'accord?
Elyo lui sourit, et releva la tête. Le ciel était désormais d'un gris métallique hypnotisant. Il se perdit une seconde dans sa contemplation, puis la douleur de la sangle du sac lui striant l'épaule le rappela à la réalité, et il se figea.
  • Faisons une pause, ordonna t'il.
Bleue s'arrêta, et revint vers eux en quelque pas. Elle posa son lourd sac à ses pieds. Ils avaient quittés la route principale, et s'étaient engagés dans un sentier qui traversait un champ défriché. Willan s'assit par terre et leva la tête vers le ciel. Il le contempla quelque seconde, puis marmonna joyeusement :
  • Je crois qu'il va pleuvoir!
Comme pour confirmer ses dires, une goutte s'écrasa sur son front. Il s'ébroua comme un chien, tandis que Solémio regardait son maitre, ne comprenant pas ce nouveau jeu.
Elyo mit sa capuche sur sa tête et fixa la distance qui les séparait de la rive du lac pendant plusieurs minutes, ces dernières nécessaires à ce qu'ils récupèrent tous.
  • Une heure à peine, pensa-t-il à voix haute. On continue jusqu'au lac?
Bleue acquiesça, et Fline reprit sa forme humaine dans un tourbillon de plume, qui restèrent au sol. Elyo darda son regard vert sur les yeux de cristal, lui parlant mentalement.
« Pourquoi restent-elles par terre? »
« Je sais pas. Mais je trouve ça drôle, on dirait qu'un oiseau s'est battu »
« C'est vrai... on pourrait croire que c'est un vrai oiseau qui était là. »
« Beaucoup de gens croient ça, quand ils voient des plumes par terre. »
Elyo cessa la conversation en détournant les yeux. L'inverse débutait, et faisait coller ses cheveux bruns sur ses joues. Il se remit debout, pris son sac, ramassa un bâton par terre et se mit en marche.

(...)

« Comment traverser? »
C'était la question que se posait les quatre. Bleue jura (ce qui choqua énormément Willan), quand soudain, un hennissement se fit entendre au loin. Ils se retournèrent, et reconnurent dans le brouillard, les caravanes des Tril-Fan. Elyo gémit.
  • Ils vont nous tuer.
  • Pourquoi tu dis-ça? Railla Bleue, en ramenant ses cheveux derrière son épaule, craignant comme lui que les musiciens Tril-Fan ne viennent se venger de la mort du vieil homme sur eux.
  • Calmez-vous, soupira Willan. Attendons les ici.
En moins de cinq minutes, les caravanes étaient à leur hauteur. Elles se stoppèrent devant eux. Un homme au teint olivâtre et aux habits colorés se planta devant eux, dominant de sa puissante carrure les quatre adolescents.
  • Bonsoir.
Elyo sourit timidement. La voix de l'homme n'était ni amicale, ni douce.
  • Je suis étonné de voir des gamins en pleine Ful-Lan.
Ful-Lan signifiait "pays sauvage", là où les landes bordaient les villes, dans une absence totale de civilisation. Les adolescents ignorèrent le ton sévère de l'individu et se contentèrent de ne pas répondre à ce qui ressemblait fortement à une provocation. L'homme ricana, et Bleue le fixa de ses yeux bleus.
  • Nous rendons en Ful-Reiche Stadt.
L'homme croisa les bras et les enveloppa d'un regard sévère.
  • Vous avez notre reconnaissance pour avoir fait fuir ces lascars.
Il les jugea du regard.
  • Comment allez vous traversez?
Elyo se mordit la lèvre, décidant de tenter sa chance en lui demandant:
  • Et vous, ou allez vous?
L'homme tourna lentement sa tête vers lui. Les gouttes de pluie glissant de ses cheveux noirs sur son visage, s'accrochant à ses cils, ébouriffants ses épais sourcils, le rendant plus terrifiant encore.
  • A Reiche Stadt.


Elyo n'était jamais monté dans une caravane : une ambiance chaleureuse, mais étrangère, était présente dans chacune des roulottes. Il y avait cinq femmes, quatre hommes, et trois enfants, dont deux bébés. Chaque familles vivaient dans sa caravane, mais une union les réunissait, puissante.
Les musiciens étaient des nomades, qui vivaient des spectacles qu'ils donnaient, lors de fête, ou de festivals. L'homme qui les avait effrayés se nommait Tullio. Il avait une femme superbe qui se nommait Esméralda, et avait une petite fille, Lia, de quelque mois à peine. Tullio, était apparemment le chef de ces nomades, et l'homme dont le père s'était suicidé, était son cousin. Ce dernier se nommait Pablo, et le petit garçon se nommait Josef. Le petit Josef semblait déterminé à les considérer comme responsables de la mort de son grand père, et refusa de leur adresser la parole quand il les reconnut. Il semblait être un tout petit peu plus jeune que Fline.
Tullio jouait du jambé, Esméralda du tambourin a clochette. Josef jouait d'une flute à deux becs, son père, Pablo, d'une mandarine. L'homme restant était un jeune adulte, Miguel, plus vieux que les quatre autres, il semblait avoir tous justes vingt ans. Sa fiancée, Guénaelia, avait elle aussi un bébé, un petit garçon, Tommi. Les deux dernières femmes se nommaient Hélie, une vielle femme droite et fière, aux longs cheveux gris, et une aveugle, d'une trentaine d'année, Luna.
Cette femme mystérieuse ne parlait jamais. Elle était toujours assise, a fixé le mur de ses yeux bleus pâle. Ils semblaient tous heureux. Tullio, en réalité, était un homme sympathique.
  • Et pourquoi voulez vous allez à Reiche Stadt?
Elyo répondît en premier.
  • Nous devons voir quelqu'un...
Tullio le fixa sévèrement, mais n'insista pas.
  • Eyh, les petits gars, je vous fais traverser, mais vous travaillez en compensation, compris?
Les caravanes longeaient le lac.
  • Allez aider Hélie à préparer le repas, nous serons nombreux a table, ce soir.
La vielle femme sèche les accueillit avec un sourire déstabilisant, puis, leur fourra des pommes de terre dans les bras.
  • Et épluchez moi cela rapidement!
Et elle alla se coucher au fond de la caravane. Elyo, Bleue, Fline et Willan était autour de la caisse de bois qui servait de table. Ils commencèrent à éplucher.
  • A l'orphelinat, on devait faire ça tous les jours, avec Fline. Disons que nous avons de l'expérience en la matière, hein Fline?
Le petit garçon sourit.
  • Et bien nous, au début c'était Karly qui nous faisait les repas. Puis on a dut se débrouiller.
Bleue releva la tête vers Elyo, qui souriait, le regard vide fixé sur sa pomme de terre.
  • Oui, on a dut se débrouiller...
Bleue baissa les yeux.
Malgré tout ce temps passé ensemble, ou ils avaient ris, pleurés, soufflèrent... les deux garçons restaient inaccessibles. Il n'y avait aucun secret. Tout avait été dit durant le voyage. Chacun connaissait l'histoire de l'autre, mais...
Ils offraient un masque chaleureux, mais au fonds, ils étaient froids, malheureux... Willan ne vivait que pour Elyo, et le cœur d'Elyo ne battait que pour son jeune frère.
Inaccessibles...

Quand les pommes de terre furent plongées dans l'eau, et qu’Hélie quitta la caravane pour aller s'occuper d'un âne qui se serait blessé, Elyo remarqua que Luna, la mystérieuse aveugle, était assise dans un coin de la caravane. Et elle les fixait.
Il hésita, puis silencieusement, s'approcha d'elle.
  • Bonsoir, murmura-t-il.
Elle ne répondit pas. Il se détourna lentement, quand une voix s'éleva.
  • Toi... râla t'elle, d'une voix terriblement puissante malgré sa frêle carrure. Toi... répéta t'elle.
Les adolescents se figèrent et tous regardèrent dans la direction de la femme qui se levait, en tremblant.
Elyo inspira.
  • Quoi? Demanda-t-il, curieux de savoir.
Elle râla une autre fois, puis avec une étonnante gestuelle, lui agrippa le bras d'une poigne fragile.
Elle se pencha à son oreille.
  • Les guerriers de l'ombre attaquerons par derrière la montagne. Cheveux-Blanc les verra en premier. Méfies toi du cœur... N’oublie jamais l'enfant que tu étais.
Elle recula doucement, comme pour l'observer. Puis elle gémit doucement et retourna s'asseoir.


29. Fin du voyage, début des hostilités.



Elyo rit.
Ils avaient mis moins d'un an, finalement.
Les sept mois de voyage, ou ils avaient tout utilisé pour aller plus vite, leurs avaient en tout cas permis quelque choses, a eux tous.
Bleue, Fline, Willan, Elyo.
Désormais, ils étaient tous amis.
Bien qu'encore renfermés sur eux même, et encore méfiants face à ce nouveau monde, Elyo et Willan avaient muris.
Et liés par une chose dont ils ne connaissaient que le nom, mais cela avait encore peu d'importance.
Ensemble, durant sept mois, ils avaient affrontés les Loups, les Ours, les brigands, la peur et la faim.
Ou la souffrance ...
Elyo et Willan avaient grandis de vingt centimètres, environ, et dépassaient Bleue d'une demie tête Celle-ci, plus athlétique, avait sut garder sa beauté durant tout le voyage, et ses chansons, chaque soir, avait redonné de l'entrain a la troupe.
Surtout le samedi.
L'étrange malédiction qui régnait sur les garçons Spirtyan devenait problématique. Ils n'avaient put se déplacer le samedi, obliger de rester coucher, tellement la douleur avait été forte. Chaque semaine, durant une demi-année, Elyo et Willan avait connu l'Enfer.
Leurs cotes semblaient avoir été brisées, leurs cranes explosaient, les cœurs haletaient, les chevilles se tordaient. Ils l’avaient nommée Maladic.
Et aussi, les garçons crachaient beaucoup de sang depuis un mois. Depuis leurs quatorze ans.
Leur corps ne supportait plus cet excès. Elyo en avait mal au cœur rien que d'y penser. Par deux fois, durant tout le voyage, il avait cru mourir. Ces deux derniers samedi, le sang avait coulé a flot, et il avait failli assommer Fline qui tentait de le maintenir, mais la douleur l'avait tellement transpercé, irradié a ce moment là, quand Fline l'avait touché, que le pauvre petit garçon avait été éjecte, deux mètres plus loin, déboussolés. Dans ses larmes de douleurs, Elyo avait essayé de s'excuser, mais la douleur l'avait fait sombrer dans un univers de ténèbres et de sang.
Il s'était réveillé, le lendemain, du sang partout sur lui. La crise était de plus en plus violente.
Mais bien que cet obstacle de poids empêchait les quatre jeunes gens de voyager plus vite, leur amitié et leur dévouement les uns pour les autres ne s'en trouvais qu'améliorée.
Ils se connaissaient mieux, maintenant.
Fline pouvait désormais délibérer avec Willan et Elyo, bien que ce dernier préfère encore Flinoser.
Bleue et Willan avaient été mis au courant du singulier don de télépathie du garçon, et avait été étonné que les yeux de cristal et les yeux d'émeraudes puisse partager une conversation intime.
Bleue souriait beaucoup, désormais. Elle était douce quand il fallait l'être, mais n'hésitait pas à frapper Elyo ou Willan quand ceux-ci l’importunaient.
Seul Willan avait appris à la craindre.
Elyo, lui, semblait ne pas remarquer les ondes néfastes qui se déversaient sur lui, quand il affichait souvent sa tête hilare. Ce qui était très dommage pour ses dents.
  • Quatorze ans et toutes mes dents!
Fline, le petit garçon, avait lui aussi grandi. Son visage s'était un peu durci, mais ses yeux de cristal restaient purs et magnifiques .Il était aussi désormais capable de pouvoir se transformer en un oiseau de couleur grise, dont la tête carrée et sage, le bec petit, acéré et recourbé, les grandes prunelles sombres et rondes, et la fait qu'il puisse tourner sa tête à trois cent soixante degrés, le faisait ressembler a une chouette ou un hibou.
A un détail près.
Une troisième patte, munie de serre redoutable, était anatomiquement incompatible avec une simple chouette ou un hibou.
Anatomiquement.
Pour effrayer Bleue, Fline aimait beaucoup tourner lentement sa tête dans le sens complet d'une aiguille d'une montre, puis pousser un ululement strident.
Cri a tout les coups.
Willan riait beaucoup. Solémio un peu moins.
Le jeune Kalionss allait sur ses sept mois, et il avait désormais atteint la taille d’un jeune labrador.
Un labrador recroquevillé sur lui même, ses formidable muscles tendus à l'extrême, le dos rond, les yeux affamés.
Pauvres petits oiseaux et lapins imprudents.
Très imprudents.
Willan avait désormais trouvé le moyen de manger sans avoir besoin de chasser ou d'aller a la pèche. Solémio s'en occupait.
Un peu trop, d'ailleurs.
Une semaine avant d'arriver a la frontière de la plaine de Tylyn, un matin, en se réveillant sous les rires appréciateurs de Bleue et d'Elyo, il avait découvert le cadavre encore chaud d'un gros rat noir.
Il avait alors expliqué aux moqueurs qu'un félin présente souvent son respect a son maitre en lui offrant à manger, à manger encore chaud.
Elyo avait alors voulu demander à Willan s'il devait manger son rat, quand il avait compris toute la symbolique de ce geste. Le jeune Kalionss, le fauve meurtrier, avait un sens de l'honneur développé.

(…)

Elyo ferma les yeux. Le vent souffla doucement sur son visage venant faire flotter ses longs cheveux.
Bleue, Willan et Fline s'arrêtèrent eux aussi pour contempler leur victoire. En dessous d'eux, à environ cinq kilomètres, le gigantesque lac de Flanioryminatalionirual, étendue d'eau ancestrale, et s'étendant sur des centaines de milliers de mètres, et disparaissant aux pieds des montagnes dominantes, le « Miroir des Âmes », ou « Miroir des Dieux » ; traçait en la terre une éclatante cicatrice fluide.
L'eau argentée sillonnait entre les hautes montagnes et collines, et en son centre, bien qu’en altitude, Elyo ne put ignorer Spirtyano: l'Arbre Millénaire, celui dont les racines liaient à elles seules la terre des deux continents. L'arbre support. Mais aussi, selon son nom: l'Ombre Astrale.
Son nom n'était pas dut au hasard. L'arbre rayonnait d'une magie oubliée, d'une puissance disparue. C'était l'Arbre Sacré. L'Arbre au Dieux.
Elyo trembla. Il avait la chair de poule. Le fait de se retrouver devant un arbre mystique portant son nom lui faisait un choc, … Karly lui avait autrefois appris la provenance de Spirtyan.

« Elyo, écoute moi, écoute je te dis. Alors? Tu te calmes? Bon, regarde cette esquisse... tu sais ce qu'elle représente? Regarde bien, mon poussin... C'est l'Arbre Spirtyano... »
La voix de Karly, comme une caresse du temps, disparut dans sa tête. La voix de son père laissait place à la voix d'un fou.
« Elyo Spirtyan... »
Elyo ferma les yeux.
« Regarde Elyo, tu es l'ombre astrale, mon chéri... »
Papa.
Une larme sembla tomber du ciel, pour venir s’écraser sur le sol de son désespoir.
Une larme qui aussitôt se transforma en des cadavres fumants, semblant darder sur lui des regards pleins de reproches.

Elyo se retourna vers Bleue. Elle fixait le ciel d'encre qui se reflétait dans l'eau bleue. Il s'approcha d'elle.
  • Est-ce que ça va? Demanda-t-il doucement.
  • Mmh, marmonna t'elle, lorsque tu me demandes si ça va, tu t'apprêtes toujours à me demander quelque chose.
  • Oui, répondit-il en lui répliquant un sourire rayonnant. Dans combien de temps seront nous à Reiche Stadt, tu penses?
  • Au mieux, je dirai dans deux jours, répondit-elle, s'attirant les attentions des trois garçons, car nous devons trouver un moyen de traverser le lac, et ensuite, dit elle en tendant le doigt, nous devrons contourner Shulia,
La Montagneuse.
Le regard de Willan, de Fline et d'Elyo se tournèrent automatiquement dans la trajectoire du doigt de Bleue, et aussitôt, ils virent la Shulia, la frontière royale.
La Shulia était une chaine de montagnes qui entourait le Ful-Reiche Stadt.
Cette défense naturelle avait souvent protégé le pays (Ful) des Rois, et même aujourd'hui, des assaillants seraient stoppés net devant cette barrière.
Elyo nota soudain un détail singulier: des cris résonnaient en bas de la corniche. Les cinq se penchèrent et purent observer la cause du tapage : une quinzaine de cavaliers louches avaient stoppés un convoi de quatre caravanes. Et jetait leurs passagers sur le sol, les maltraitants.
Horrifié, Elyo vit un Viel homme se faire couper la main. Violemment, il se redressa. Des yeux, il chercha rapidement autour de lui. Il découvrit rapidement ce qu'il cherchait.
  • Will, Bleue, Fline! Par là!
Ils acquiescèrent, et d'un même mouvement, coururent vers le petit chemin escarpé qui permettait de descendre la corniche. Fline, qui était a l’avant, eu soudain une idée, et d'un acquiescement mental avec Elyo poussa un grand cri, qui dans sa gorge à la langue coupé, résonna comme étranglé; morbide. Les cavaliers, qui n'étaient plus qu’à quelques centaines de mètres, se retournèrent soudain vers eux, et un cheval se cabra. Son cavalier le maitrisa rapidement, et se mit soudain à rire, observant les renforts: des gamins, avec un petit garçon qui courait devant. Son rire cruel se mua en un rictus effrayé quand le petit garçon fit place à un Aquila blanc, déployant des ailes de cinq mètres chacune, sa visage se déchirant en un bec cuivré, et décollant du sol, des serres acérées se vrillant dans la direction des chevaux. Un hurlement suraigu s'échappa de la gorge de l'homme, qui fit cabrer son cheval épouvanté. Une vague de terreur s'empara de la troupe des cavaliers, qui s'enfuirent au galop, devant la forme monstrueuse de l'Aquila meurtrier.
Elyo se roulait par terre, mort de rire. La débandade des voleurs et leur panique étaient hilarants. Des cris de souffrance le firent taire. Le Viel homme saignait abondamment, et ses compagnons, épouvantés, s'agitaient autour de lui.
Bleue se précipita. Elle attrapa une longue toile rêche blanche et en déchira un long morceau. Elle fit rapidement calmer la petite troupe, et fabriqua tant bien que mal un garrot de fortune.
  • Il faut que vous respiriez profondément. Calmez-vous.
Le Viel homme à la peau parcheminée en pleurait de douleur, mais ses mâchoires crispées indiquaient son combat contre la douleur.
Un jeune garçon, les larmes ruisselantes sur ses joues bronzées, enlaça le Viel homme.
  • Papy... Pa...Py...
  • Ne t'inquiète pas, ça va aller le rassura Bleue souriante. Sa vie n'est pas en danger.
Le petit garçon le foudroya du regard. Un homme s'approcha d’eux, encore secoué, et posa sur le Viel homme un regard empli d'une tristesse infinie.
  • Père, je m'excuse, murmura doucement l'homme en s'agenouillant devant le vieux.
Celui ci avait coincé son bras sous son aisselle, et la pâleur avait envahi son visage.
  • Monsieur? Se risqua Elyo.
Le vieil homme fit soudain une chose étonnante: il sortit un poignard aux décorations occidentales sur la garde, et d'un rapide mouvement, se l'enfonça dans la poitrine. Le cœur d'Elyo cessa de battre au moment où la lame s'enfonça dans celui du vieux. Doucement, les yeux fatigués se refermèrent, et le corps ramassé tomba lentement dans les bras de son fils, tandis que le petit garçon hurlait de désespoir. Deux femmes et un autre homme vinrent autour du cadavre et aidèrent le fils du défunt à la porter sur un brancard.
Elyo les yeux grands ouverts, n'arrivait plus à réagir: son cerveau avait décroché.
Willan lui, trépignait.
  • Maisquesskisssestpassé? Maisquesskisssestpassé?
Bleue se releva, un rictus de dégout sur le visage.
  • Ce sont des musiciens.
  • Hein?
  • Des musiciens Tril-Fan, ou plus exactement; les musiciens aux deux mains. Ils ont pour coutume de savoir jouer avant même de parler.
Elyo, paralysé par l'horreur, ne comprenait pas.
  • Mais, quel est le rapport, demanda pour lui Willan.
Bleue regarda le brancard, et détournant ses yeux du petit garçon qui pleurais tout seul dans son coin, elle souffla.
  • Les Tril-Fan n'ont pas pour habitude de jouer d'une main.
Et elle contourna les caravanes, intimant les garçons de la suivre, de continuer, sans se détourner.