Malgré
le laps de temps écoulé, Bleue ne se remettait pas de sa surprise.
Ainsi
donc, le fameux professeur des jumeaux, qui les avaient entrainés
durant trois ans au fond de la forêt bordant Faier-Hayrdhann,
n'était autre que le très fameux Villi Tylmaridior ?! Le Médecin
Impérial ? Quelle surprenante découverte, pour elle.
Les
jeunes gens s'étaient couchés depuis quelques minutes, ne trouvant
pas d’autres solutions envisageables, mais régnait désormais dans
la chambre un calme à peine troublé par la lente respiration des
garçons endormis. Seule Bleue était encore éveillée, tourmentée
par ses pensées et réflexions sur Villi Tylmaridior, et le lien
qu’il ait pu avoir avec les jumeaux. Comment l’avaient-ils connu
? Comment Elyo et Willan avaient t'ils rencontrés cet homme si
célèbre et si respecté?
Bleue reposa sa tête sur
le matelas, prêtant attention aux bruits doux de la chambre. La
respiration calme et fragile de Fline, et celle discrètes des
jumeaux. Willan avait tourné sa tête vers le feu, faisant ainsi
face à Bleue. Elle observait ses traits fins depuis quelques
minutes, toujours perdue dans ses pensées. Elle voulait que Fline
retrouve la voix. Peut-être Tylmaridior pourrait-il faire quelque
chose pour eux. Elle ferma les yeux. ... Peut être Tylmaridior
pourrait faire quelque chose…
Elle l'espérait, mais au
fond d'elle même, une petite voix lui disait de renoncer.
(…)
Le matin vint, éclairé
par un merveilleux soleil. Cela faisait déjà une semaine qu'ils
étaient à Reiche Stadt, et aucune trace de Tylmaridior, en dépit
de leurs recherches acharnées.
Elyo était en ce moment
même dans le centre ville, seul.
Les autres étaient
partis s'occuper de trouver à manger pour le midi, car l'aubergiste
avait demandé à ce qu'ils quittent les lieux depuis qu'un
mystérieux oiseau venait ici chaque soir pour s'amuser à effrayer
les clients, et les soupçonnant d’être les responsables, les
avaient espionnés. Et avait ainsi manqué de faire une crise
cardiaque en voyant l’un des garçons se transformer en rapace.
Fline avait beaucoup ri, et ne s'était calmé qu'un quart d'heure
plus tard.
Les mains dans les
poches, habillé d'une chemise blanche, d'un pantalon de cuir noir,
et ses longs cheveux ébouriffés, nattés, sifflotant, Elyo avançait
dans les rues, sans but particulier. Il déambulait tranquillement,
non sans un certain entrain. Nonobstant, cela faisait plusieurs
minutes qu’il remarquait que certaines filles le suivaient
discrètement, comme des petits poissons friands. . Certaines
l'interpellaient, et c'était avec amusement qu'il répondait par un
salut courtois. Il s’amusait, découvrant avec une agréable
surprise l’intérêt de crâner auprès des demoiselles. Cela lui
donnait l’impression d’être bien différent du garçon craint et
insulté de Faier-Hayrdhann.
Elyo vit soudain une
jeune fille d'une quinzaine d'année, ses longs cheveux noirs volants
autour d'elle, arriver près de lui en courant. Il se stoppa avec un
sourire. Elle se figea, lorsque arrivée à sa hauteur, et bien que
rougissante, le salua avec chaleur.
- Bonjour monsieur. J’aimerais pouvoir aller me vanter auprès des autres de connaitre votre prénom, m’en feriez-vous l’honneur ?
Elyo étouffa un rire,
franchement amusé.
- Il est de convenance, ici, de dire « monsieur » à un garçon de quinze ans ?
- C’est toujours plus poli pour accueillir un beau garçon !
- Haha ! Moi c’est Elyo.
- Ravie de vous rencontrer, alors, M. Elyo. Vous êtes étranger, n’est-ce pas ?
- Je viens de loin, en effet, ricana Elyo en étudiant les mouvements de la jupe bariolée de la jeune fille.
Cette
dernière se planta devant lui, un sourire simple étirant ses
lèvres, dans une figure douce, et croisant ses mains derrière son
dos, le dévisagea.
- Moi, c’est Gwendydd.
- Ravi de te rencontrer Gwendydd.
- Vous accepteriez que je vous fasse visiter la ville ?
- Oh ! Avec plaisir, s’exclama Elyo, en arborant un sourire angélique.
La
compagnie de Gwendydd était agréable, très féminine. Différente
de celle de Bleue en tout cas. Bleue avait une aura féroce,
meurtrière. Elyo l'avait sentie. Mais Gwendydd était innocente,
joyeuse. Ils traversèrent la ville, Gwendydd riant de tout, lui
expliquant ce qu'il voulait savoir. Mais surtout, elle n'était pas
bavarde comme une pie, contrairement a ce que pensais Elyo. Elle
riait beaucoup, mais ne parlait que par intérêt. Quand il voulait
une explication sur telle ou telle chose, elle se faisait un plaisir
de lui raconter.
Elyo savourait cette
journée, cette liberté de marcher dans une ville remplie et
vivante, ou personne ne se stoppait dès qu'on l’apercevait, ou
l'insultait, ou s'enfuyait. Gwendydd se stoppa soudain, et Elyo, qui
flânait le nez en l'air, failli lui rentrer dedans. Il leva la tête,
et comprit la soudaine paralysie de Gwendydd. Devant eux, des hommes
habillés de noir les fixaient, plantés en plein milieu de la ruelle
qu'ils traversaient. Elyo sentit son cœur se serrer dans un étau de
fer impressionnant, croyant pendant une seconde reconnaître ces
hommes. Ce n'étaient pas eux, mais le souvenir s'imposa dans son
esprit avec la férocité d'un Kalionss.
Les hommes entraient
dans la chambre, armés, et Karly s'avançait.
Gwendydd recula
doucement. Les hommes se retournèrent, comme au ralenti. Elyo ne
respirait plus. Une aura de meurtre les entourait, comme si la
noirceur de leurs habits les en imprégnait. Un homme s'approcha d'un
pas. Et il souleva sa capuche sombre dévoilant son visage.
- Gwen … Je suis heureux de te revoir... très heureux...
Elyo ne bougeait plus.
Gwendydd s'était mise à trembler.
L'homme approcha sa main
de la jeune fille, un poignard installé entre ses longs doigts.
- Dis-moi, tu te rappelle la promesse que tu m'as faite ? Tu sais, les deux milles hens, pour soigner je ne sais qui ? Tu te rappelle ? Oh, ne fais pas cette tête, je sais que tu ne les a pas... par contre, tu es venue, c'est heureux, tu pourras payer ta dette, comme ça.
Un homme se mit à rire.
- Oui, je vais te garder un peu pour moi, tu mérite bien deux milles hens, non? Combien te vends ta chère maman ? Un peu moins que ça, non ? Pas grave, en tout cas, ce soir, je te réserve une nuit spéciale …
Gwendydd était tombé
par terre, l'homme se rapprochait toujours plus d'elle. Le cerveau
d'Elyo se remit à fonctionner. A toute vitesse. Il la contourna, se
plaçant face à elle, le regard résolu.
- C'est très simple. Le premier qui s'approche d'elle se reçoit mon poing dans la figure.
- Non, vraiment ? Rit un homme en s'avançant, particulièrement grand.
Elyo posa sur lui un
regard dénué de frayeur, frimant ouvertement en refusant de se
laisser impressionner par la musculature évidente de son adversaire.
Il serra les poings, se jurant de ne laisser aucun de ses hommes
toucher Gwendydd. Il y avait eu trop peu d'occasions durant
lesquelles il avait pu agir : et aujourd'hui, il refusait de
s'enfuir. Mais si ça risquait de faire certainement très mal.
L'homme, sans attendre,
lui balança un coup de poing. Un crochet droit qui atteint Elyo, le
percutant violemment à la mâchoire. Explosant de rire, les autres
hommes se mirent à rire, tandis que Gwendydd reculait, allant se
placer près d'un mur. Elyo tituba, puis furibond, s'équilibra, pour
courir droit sur son adversaire. Ce dernier, surpris par la violence
d'un coup de pied qui lui explosa deux côtes, alla rouler dans la
poussière, aux pieds de ses partenaires. Ces derniers posèrent sur
Elyo un regard horrifié, cherchant alors à évaluer sa force. Elyo
sourit.
« Facile de s'en
prendre à des plus faibles que soi, hein ? »
Malgré son sourire, Elyo
ne se ménageait pas. Son esprit, semblable à l'eau, était calme et
lisse. Mais prêt à infiltrer chaque faille que présenteraient ses
adversaires. Cette aptitude mentale, que son professeur, Villi
Tylmaridior lui avait enseigné quelques années auparavant, se
nommait Zanshin.
Il refusait d'avoir peur, il refusait de craindre le nombre de ses
adversaires, il refusait de se prendre pour un héros. À ses yeux,
ne comptait que la victoire. Voyant que les hommes en face de lui
hésitaient, il fonça sur eux, en criant. Épouvantés, les hommes réagirent à la manière de passereaux
effrayés. Certains de leur intimidation, ils s'étaient reposés sur
l'avantage du chiffre. Mais maintenant que le plus fort d'entre eux
était à terre, la peur s'était emparée de leur raisons. Deux
d'entre eux sortirent leurs lames, cherchant à découper un membre
du jeune métis, mais ce dernier, armé d'une volonté le rendant non
maitrisable, s'occupa de les rendre K.O en deux coups de poings
dévastateurs, massacrant leur sternum. Un homme l'attrapa par les
épaules, pour l'immobiliser, et Elyo, à la manière des exercices
imposés par Tylmaridior, dans lesquels il s'était souvent vu
bêtement piégés par derrière, se jeta au sol, semblant glisser
entre les mains de cet homme. Il roula en arrière, se plaçant entre
les jambes écartées de l'homme, lui envoya le revers du pied dans
les parties génitales. Hurlant, ce dernier se mit à sautiller sur
place. Elyo, se releva, aussi excité qu'une puce, esquivant les
quelques coups fébriles d'attaquants trop peu sûrs d'eux. L'homme
qui avait apostrophé Gwendydd jaillit soudain à sa gauche, et fit
quelque chose qui déstabilisa totalement Elyo : il le mordit au
bras. La douleur monta comme un éclair dans Elyo qui essaya en un
premier temps de la faire lâcher, pour cesser la douleur